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Publié le 28 novembre 2025 | Dernière mise à jour le 28 novembre 2025 à 11AM

Entrevue écrite avec Lori Kerr, cheffe de la direction de FinDev Canada

Screenshot of Lori Kerr's interview with Climate Action

À l’approche de la COP30 tenue au Brésil, Climate Action s’est entretenu avec Lori Kerr, cheffe de la direction de FinDev Canada, afin de discuter des actions prises par l’organisation pour relever les défis liés à l’adaptation aux changements climatiques et à l’atténuation de leurs effets en ces temps incertains.  

1. Dans l’actuel contexte du développement international, qu’est-ce qui distingue votre travail en tant qu’institution financière de développement (IFD)?

Dans un monde marqué par des marges budgétaires limitées et une infinité de défis liés au développement mondial, nous savons qu’il est important de tirer rapidement parti des forces de tous les éléments du système, y compris les pays partenaires, les organismes donateurs, les banques multilatérales de développement et les IFD bilatérales. Ces dernières sont fières de faire partie d’un écosystème global qui s’efforce de stimuler une croissance induite par le secteur privé dans les économies émergentes.  

Les IFD bilatérales contribuent à l’atteinte d’objectifs communs, comme la croissance et la résilience économiques, l’action pour le climat et l’environnement, ainsi que les progrès sociaux. Notre agilité, notre service à la clientèle et nos relations bilatérales de confiance ajoutent une valeur complémentaire au sein du système – une valeur prête à être davantage mise à profit.  

Comme l’a récemment déclaré le premier ministre du Canada à Kananaskis, « nous sommes prêts à établir de nouveaux partenariats internationaux (...) et à faire entrer les pays membres dans une nouvelle ère de coopération mondiale. » Pour donner suite à cet appel à l’action, nous avons conclu divers nouveaux partenariats.

FinDev Canada est, par exemple membre du Conseil consultatif du G7 sur l’investissement dans les infrastructures, auquel prennent part douze investisseurs institutionnels qui gèrent des actifs de plus de 19 G$ US. Le Conseil vise à concevoir et à déployer de nouveaux mécanismes d’investissement et à soutenir les marchés et les stratégies. Il s’agit d’un bel exemple de partenariat qui générera des changements concrets à grande échelle en tirant parti de la puissance des investisseurs institutionnels, des IFD du G7 et de la plateforme globale du G7. 

2. En tant que région hôte de la COP30 de cette année, l’Amérique latine a été l’objet de nombreuses mesures d’action climatique et d’investissements récents par FinDev Canada. Quelle relation FinDev Canada entretient-elle avec la région, et comment son portefeuille en tient-il compte? 

Le Canada entretient depuis longtemps des relations étroites et constructives avec l’Amérique latine et les Caraïbes. Ces relations cadrent avec l’objectif de « mettre davantage l’accent sur la croissance économique, la préparation aux activités commerciales et la participation du secteur privé en vue de favoriser la prospérité et la résilience des pays en développement, » comme l’a récemment indiqué l’honorable Randeep Sarai, secrétaire d’État pour le Développement international du Canada.  

En tant qu’instrument de politique publique du Canada, FinDev Canada soutient une croissance portée par le secteur privé en Amérique latine et dans les Caraïbes en offrant des solutions de financement commercial et mixte et en mobilisant des capitaux privés dans les marchés que nous servons. Depuis notre création en 2018, nous avons accru notre portefeuille dans la région, qui représente aujourd’hui le tiers des activités de FinDev Canada.  

Nous avons entre autres réalisé diverses transactions à fort impact, notamment dans Maranatha en République dominicaine (infrastructures durables), dans la banque Sudameris au Paraguay (secteur financier) et dans Danper au Pérou (agroalimentaire).

3. Pouvez-vous donner des exemples d’ententes récentes et expliquer ce qu’elles révèlent sur votre stratégie dans la région?

En 2024, FinDev Canada a accordé son deuxième prêt à Genneia, la plus importante entreprise de production d’énergie solaire et éolienne d’Argentine. Ce récent financement servira à soutenir la construction de deux parcs solaires photovoltaïques de 90 et de 180 MW. Ces installations ajouteront 270 MW d’énergie renouvelable au réseau national, aidant ainsi l’Argentine à accroître sa production d’énergies renouvelables (autres que l’hydroélectricité) et à réduire ses émissions de carbone d’ici 2030. Pour vous aider à mieux comprendre l’impact de ces projets, 270 MW d’énergie équivaut au retrait de 205 000 voitures de la circulation annuellement. Cette initiative cadre avec la stratégie de FinDev Canada qui consiste à faire progresser l’action climatique par l’entremise d’infrastructures durables.  

Au Guatemala, FinDev Canada s’est joint à la SFI et à la JICA pour investir 415 M$ US dans Banco Industrial. Pendant la Semaine du climat en septembre 2025, FinDev Canada a annoncé ce prêt de 75 M$ US qui témoigne de son engagement à financer la lutte contre les changements climatiques dans un pays d’Amérique latine hautement vulnérable à ceux-ci.  Il s’agit de notre premier investissement direct au Guatemala. Dans le cadre de ce prêt, les fonds seront entièrement consacrés au financement climatique pour soutenir l’agriculture climato-intelligente et les bâtiments certifiés écologiques. Cette transaction met en évidence notre stratégie visant à soutenir le secteur financier, puisque les banques constituent souvent l’une des façons les plus efficaces et directes d’atteindre une variété de secteurs et d’emprunteurs à l’échelle locale.  

4. La nature et la biodiversité sont de plus évoquées dans le domaine du financement climatique, mais il n’est pas toujours facile d’agir concrètement à cet égard. Comment FinDev Canada intègre-t-elle la nature à sa stratégie d’investissement?

Le lancement du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal lors de la COP15 – tenue à Montréal où sont nos bureaux – est un tournant décisif dans la manière dont le monde perçoit la nature, puisqu’il établit des cibles et des objectifs mondiaux pour orienter l’action collective.

À FinDev Canada, nous savons que climat et nature sont inextricablement liés. Selon McKinsey, « 100 % de l’économie dépend à 100 % de la nature, mais toute la valeur de la nature n’est pas reconnue dans l’activité économique. »  Les scientifiques ont chiffré à 700 G$ US par an le déficit de financement de la biodiversité, même si ce chiffre ne représente qu’une fraction de l’ensemble des besoins d’investissement dans la nature. C’est pourquoi nous avons intégré la nature dans notre objectif d’impact climatique et commencé à suivre le financement en faveur de la nature dans notre portefeuille, conformément aux Principes communs des banques multilatérales de développement. Cette décision marquante multipliera les investissements qui luttent contre la perte de biodiversité pour mettre la nature sur la voie du rétablissement.

Cet engagement façonne déjà notre portefeuille. Par exemple, nous avons investi dans des obligations bleues en Équateur et au Costa Rica, débloquant ainsi des capitaux pour soutenir l’aquaculture durable et réduire les sources de pollution près des océans. Par l’entremise du fonds EcoEnterprises IV, nous appuyons les entreprises qui contribuent à la conservation de la nature, comme le projet d’agriculture régénératrice Equilibria en Colombie, ainsi que des projets d’écotourisme durable.  

Ces investissements sont bénéfiques pour la nature et le développement de marchés, ce qui vient soutenir le commerce futur, la résilience et la prospérité partagée. Ils témoignent aussi de la place centrale de la nature dans notre stratégie d’investissement et notre impact sur le développement.  

5. Quel est l’état actuel du financement des mesures d’adaptation? Et quel est le soutien offert par FinDev Canada dans ce domaine? 

Selon les recherches menées par l’Initiative financière du programme des Nations unies pour l’environnement en 2025, les pays en développement auront besoin de 365 G$ US par année d’ici 2035 pour financer leurs mesures d’adaptation, au moment même où le financement public de l’adaptation est en déclin. Actuellement, seulement 26 G$ US sont affectés à ce domaine chaque année, soit moins de 8 % du montant total requis.  

Récemment, l’ouragan Melissa dans les Caraïbes nous a rappelé les coûts humains et financiers d’infrastructures mal adaptées à notre environnement en mutation.  

À FinDev Canada, nous tenons compte de la dimension climatique de chaque transaction, notamment en évaluant les risques physiques et ceux liés à la transition. Les risques climatiques sont ainsi considérés parallèlement aux risques financiers classiques au moment de prendre des décisions d’investissement. Des projets comme celui de Danper au Pérou financent la construction d’infrastructures résistantes aux inondations pour protéger les actifs et la chaîne d’approvisionnement agricoles.  

En ce qui concerne l’avenir, FinDev Canada, MUFG Bank, Ltd., le Fonds vert pour le climat et Climate Fund Managers ont conclu le 20 octobre 2025 une entente concernant la plateforme GAIA, axée sur le climat. GAIA, qui a réuni une première ronde de 600 M$ US, vise à devenir une plateforme de financement mixte d’une valeur de 1,5 G$ US. GAIA mobilisera des capitaux privés à grande échelle et affectera 25 % des fonds aux marchés en développement, y compris des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés. La plateforme consacrera 70 % de son portefeuille à des projets d’adaptation au climat et 30 % à des projets d’atténuation.  

GAIA est la première transaction dans le cadre de laquelle nous avons fait appel à notre mécanisme de financement concessionnel, une enveloppe de 700 M$ CA établie en partenariat avec le gouvernement du Canada, la plus importante parmi les IFD bilatérales, dont le but est d’attirer des capitaux privés.  

Nous espérons qu’il s’agit de la première d’une série de solutions mieux adaptées aux besoins des investisseurs commerciaux qui souhaitent investir dans l’adaptation et amplifier l’impact sur le développement.