La faim est l’une des forces les plus déstabilisatrices de notre monde interconnecté : elle provoque des migrations internes et externes, alimente les conflits et compromet l’égalité et la participation économique. À l’inverse, lorsque nous nous attaquons à ses causes profondes, nous contribuons à améliorer la stabilité, la prospérité et la résilience de notre planète. Alors que s’accélèrent les dérèglements climatiques et la perte de biodiversité, la sécurité alimentaire et la nutrition sont plus que jamais un enjeu vital. Des systèmes alimentaires solides sont les pierres d’assise de sociétés saines et résilientes, et favorisent la croissance économique et la formation de partenariats internationaux.
La Journée mondiale de l’alimentation, que l’on souligne annuellement le 16 octobre, est en résonance avec la mission de FinDev Canada. Le thème de cette année, Main dans la main pour des aliments et un avenir meilleurs, nous pousse à réfléchir à la manière d’investir dans la production agricole, la distribution et la consommation pour assurer la sécurité alimentaire et le développement économique à long terme des marchés émergents et des économies en développement.
Selon le rapport (en anglais) sur l’état de l’insécurité alimentaire en 2025 de la FAO, s’il est vrai que la sécurité alimentaire s’améliore progressivement depuis 2021, elle demeure plus prévalente qu’avant 2015. Notre planète produit suffisamment de nourriture pour nourrir ses 8 milliards d’habitants, mais en raison de gaspillages, d’inefficacités et d’inégalités en matière d’accès et de distribution, 2,3 milliards de personnes souffrent toujours d’insécurité alimentaire. Des disparités subsistent entre les régions et à l’intérieur même des pays. En 2024, environ 32 % des personnes vivant dans des zones rurales étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave, et les femmes étaient plus à risque de souffrir d’insécurité alimentaire que les hommes, toutes régions du monde confondues. Par ailleurs, les petites exploitations agricoles, qui produisent environ 35 % des denrées alimentaires mondiales, sont disproportionnellement exposées à la volatilité du climat, aux perturbations commerciales et à l’inflation.
Une approche multidimensionnelle faisant intervenir les secteurs public et privé est nécessaire pour développer la résilience des chaînes d’approvisionnement agroalimentaires. Les investissements du secteur privé jouent un rôle essentiel dans la promotion de systèmes agroalimentaires durables. Fort de ses expertises et capitaux, le secteur privé peut contribuer à optimiser la production agricole, à rendre les chaînes d’approvisionnement plus résilientes et à réduire les pertes et le gaspillage alimentaires. Les investissements dans ces secteurs restent toutefois limités dans les pays en développement : les pays souffrant d’insécurité alimentaire ne reçoivent que 20 % des investissements agricoles mondiaux.
Le rôle du financement du développement
Les institutions financières de développement (IFD) sont particulièrement bien placées pour combler ce déficit de financement. En assumant les risques et en catalysant les capitaux privés, les IFD peuvent aider à réinventer des systèmes alimentaires résilients à long terme. Au-delà du déploiement de fonds, les IFD jouent aussi un rôle de premier plan en accompagnant les investisseurs et les entreprises dans l’identification des risques et des occasions par le biais de cadres de durabilité, d’outils de mesure d’impact et d’évaluations d’enjeux liés au climat, à la nature et à l’égalité des genres. De tels instruments facilitent la prise de décisions éclairées et contribuent à arrimer les investissements au rendement financier et aux résultats en matière de développement à long terme.
À FinDev Canada, nous collaborons avec des fonds, des entreprises et des institutions financières afin d’étendre le capital et l’expertise technique à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement agricole.
Notre stratégie d’investissement cible les entreprises en mesure de renforcer l’accès aux marchés, qui intègrent les questions du climat et de la nature à leurs activités, et qui font progresser l’égalité des genres. Nous misons donc sur le financement et les investissements dans l’agriculture adaptée au climat, les systèmes agroalimentaires résilients et des projets respectueux de la nature, que ce soit par l’intermédiaire de fonds et d’institutions financières, ou directement auprès de grandes entreprises agricoles. Les efforts de FinDev Canada visent à trouver le juste équilibre entre productivité et santé des écosystèmes, en reconnaissant qu’un tel compromis peut comporter des risques si les petites exploitations agricoles sont exclues, ou si l’on entretient la dépendance à des technologies auxquelles elles n’ont pas accès.
C’est pourquoi l’équité et l’inclusion sont au cœur de notre approche. Notre objectif? Veiller à ce que les petites exploitations agricoles, les femmes et les collectivités rurales participent de façon constructive au virage numérique et axé sur les données de la filière agricole.
Renforcer la résilience en formant des partenariats à long terme
Le partenariat entre FinDev Canada et Export Trading Group (ETG), un négociant de produits agricoles de premier plan présent dans plus de 45 pays, est un bel exemple à cet égard. Notre relation a commencé en 2021 lorsque nous avons consenti un prêt pour financer les activités d’ETG. En 2023, nous avons fourni une assistance technique pour aider ETG à évaluer les risques liés à la déforestation, les risques sociaux et les risques liés au genre dans cinq grandes chaînes de valeur. Cet exercice de collecte de données de référence a guidé le montage en 2024 d’un prêt lié à la durabilité historique de 394 M$ US, auquel FinDev Canada a contribué à hauteur de 75 M$ US aux côtés des co-arrangeurs FMO et la TDB, et de DEG, Proparco, ILX et d’autres investisseurs.
Ce prêt est assorti d’objectifs de durabilité ambitieux, notamment l’expansion des services de vulgarisation fournis aux petites exploitations agricoles, qui couvrent la résilience climatique, l’application d’engrais, l’entreposage après récolte, la numérisation et l’éducation financière. Ces services ont déjà bénéficié à 360 000 petites exploitations agricoles, l’objectif étant que ce chiffre passe à un million d’ici à 2030. Conjuguer de meilleures pratiques de production à un impact inclusif à long terme : voilà l’intensification durable à l’œuvre.
Opérer une transformation systémique en unissant nos forces
L’insécurité alimentaire reste un problème tenace caractérisé par de profondes inégalités quant aux populations touchées, et ce, en raison d’un accès inéquitable, de l’instabilité climatique et d’investissements structurels insuffisants. Pourtant, le potentiel de transformation est considérable : les pratiques agricoles adaptées au climat et les investissements respectueux de la nature pourraient débloquer des revenus annuels de plusieurs millions de dollars pour les agricultrices et agriculteurs, et créer une valeur à long terme dans l’ensemble des systèmes agroalimentaires.
Lancé en 2024 sous la gouverne de l’Italie, le groupe de collaboration sur les systèmes alimentaires durables du G7 (le « Groupe de collaboration ») réunit les IFD du G7 et des banques publiques de développement dans le but d’investir davantage dans la sécurité alimentaire sur les marchés émergents et les économies en développement. En 2025, dans le cadre de la présidence canadienne du G7, FinDev Canada a coprésidé les activités du Groupe de collaboration aux côtés de British Investment International (BII) et de CassaDepositi e Prestiti (CDP).
Le Groupe de collaboration, qui reconnaît les interactions entre le climat, la biodiversité et l’alimentation, regroupe des IFD, des gouvernements, des investisseurs privés et des partenaires multilatéraux. L’un de ses premiers livrables, appuyé par FinDev Canada, est une approche d’impact adoptée par tous les IFD en matière de financement de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Ce cadre commun comprend entre autres des outils pratiques permettant de cerner, de mesurer et de suivre les investissements dans la sécurité alimentaire, ce qui renforce la reddition de comptes et facilite la mobilisation de capitaux privés.
Notre objectif est d’accroître les investissements qui renforcent les systèmes agroalimentaires, combattent la faim et développent la résilience là où les besoins sont les plus urgents. Le lancement officiel du cadre est prévu pour le début de 2026.
La Journée mondiale de l’alimentation nous rappelle que la nourriture ne se limite pas à un simple moyen de subsistance : elle est le fondement de la dignité, de la stabilité et des opportunités. Investir dans des systèmes alimentaires durables, c’est investir dans un avenir plus résilient, équitable et pacifique.